Le goût de la nostalgie

Le terme « nostalgie » nous vient d'un médecin allemand qui l'a, au XVIIe siècle, forgé pour désigner le mal auquel étaient sujets les mercenaires suisses partis combattre loin de chez eux. En 2014, Patrick Modiano terminait son discours de réception du prix Nobel avec ce qui pourrait être une définition « littéraire » de la nostalgie : « C'est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l'oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme des icebergs perdus qui dérivent à la surface de l'océan. » Les écrivains ne s'y sont pas trompés : l'écriture peut retenir ce qui fut jadis le présent et raviver les couleurs du passé pour le ramener au devant de la scène. Qu'il soit exilé ou orphelin d'une époque défunte - souvent celle de son enfance, le nostalgique a une présence légère au monde, comme si, sans tragédie, il se soumettait de façon détachée à ce qui n'est plus : le lieu d'un temps perdu. Le personnage d'Ulysse est un des héros emblématique de la nostalgie. L'exilé peut bien revenir à son point de départ, le passé est un pays où il n'habitera plus. Ce qui est perdu l'est à jamais. Aucun remède à cette perte : la jeunesse, les amours perdues s'entassent dans la boîte à souvenirs... La nostalgie se décline sous diverses formes. Souvent, c'est une douleur, mais parfois c'est aussi une jouissance, tirée de la conscience du caractère éphémère des choses. Voyage dans un pays d'émotions contradictoires, en compagnie de Anton Tchekov, Yves Bonnefoy, Vladimir Nabokov, Senghor, Colette, Hector Biancotti, Milan Kundera, Andreï Makine, Georges Perec, Goethe, Baudelaire, Lawrence Durrell, Alain Fournier, Edward Saïd et bien d'autres.