La cause freudienne n.68 : notre sujet supposé

Il est de bon ton de considérer que le monde moderne est en déclin, en crise grave et l'humanité en danger. " Tout fout le camp ", du père jusqu'au climat, serait ainsi devenu la romance à succès. Comme beaucoup d'autres, cette mode n'est nouvelle que de nom et répétitive en fait. Le malaise dans la civilisation, titre que donna Freud à l'un de ses ouvrages fameux, n'est-il pas le propre de la culture comme telle ? Cela ne l'amenait pas, tout comme Lacan ensuite, au désenchantement, à la résignation ou à la tristesse. C'est même plutôt une certaine gaieté que l'on trouve au décours de leur oeuvre ! Bien qu'il soit structural, c'est-à-dire inévitable, ce malaise propre à l'espèce humaine, que l'on peut aussi appeler son mal de vivre, n'est pas sans remède. C'est que la psychanalyse existe, au contraire du monde d'hier, et qu'elle peut y apporter beaucoup, pour peu que le maître contemporain se décide enfin à la respecter. Au pis en la laissant en paix au mieux en lui laissant une place. Nous assistons en effet aujourd'hui à une véritable guerre des savoirs entre d'une part celui qui règne en démocratie où la majorité calculée par sondage, transparente à elle-même est censée donner l'opinion vraie et le nôtre qui s'appuie toujours le plus particulier de chacun, un peu opaque puisqu'il s'agit de l'inconscient. Ce numéro 68 de la revue la Cause freudienne illustre tout ceci en étant notamment consacré au transfert dont le pivot fut qualifié par Lacan de sujet supposé savoir, à l'anorexie toujours très tendance dans la presse, à la cité analytique, soit au monde toujours distrayant que forment les psychanalystes entre eux. La psychanalyse n'étant pas qu'un métier mais aussi un mode de vie, on trouvera aussi des entretiens avec un mathématicien Stéphane Dugowson, un autre avec Bernard Marcadé, biographe de Marcel Duchamp, qui n'est pas très loin d'être l'un de nos grands complices ainsi que des notes de lecture, des visites d'exposition, etc.