Actes de la recherche en sciences sociales n.163 : santé et travail ; déni, visibilité, mesure

Le numéro se donne comme objet, à partir de contributions de sociologues, mais aussi d'ergonomes, médecins, économistes et historiens, de comprendre pourquoi les liens entre travail et santé sont toujours méconnus. La diversité des pathologies et leurs effets différés dans le temps ne permettent pas toujours de leur attribuer avec certitude une origine professionnelle, d'autant que les médecins sont généralement peu informés des problèmes de santé liés au travail. Ensuite, il se produit des effets de dénégation de la reconnaissance du lien entre travail et santé. Les médecins du travail sont pris dans une double contrainte qui oppose les intérêts collectifs de long terme aux intérêts individuels de court terme: s'ils ont en effet l'obligation de dénoncer les effets du travail sur la santé, ce faisant, ils accroissent les risques de perte d'emploi pour les salariés concernés. Les salariés eux-mêmes contribuent à cette dénégation en refusant par exemple un arrêt de travail, par peur de perdre leur emploi ou d'avoir des problèmes professionnels. Il faut aussi évoquer les stratégies de masquage de conditions de travail délétères, ainsi que les résistances des employeurs à reconnaître certaines maladies professionnelles, comme les cancers dus à l'amiante. On comprend donc, dans ces conditions, que la reconnaissance des effets du travail sur la santé soit toujours un objet de luttes, politique, syndicale, scientifique, comme le montrent les longues batailles juridiques de reconnaissance des accidents du travail (1840- 1898) ou des maladies dites « professionnelles ».