Hommage à Antoine Emaz, poète

Hommage à Antoine EMAZ.

Rencontre avec Sophie Petit-Emptaz, Ludovic Degroote, Yves Charnet, Djamel Meskache à l’occasion de la publication de l’ouvrage collectif Antoine Emaz. L’épreuve élémentaire de soi (Éditions Tarabuste).

Sophie Petit-Emptaz, épouse d’Antoine Emaz, est chercheuse en Études germaniques à l’université d’Angers, et traductrice de l’allemand (littérature, histoire de l’art).
Ludovic Degroote, né en 1958, vit près de Lille, où il enseigne le français en collège et en lycée. Il est l’auteur d’une cinquantaine de livres de poésie, parmi lesquels : La Digue (Unes, 1995, 2018), Pensées des morts (Tarabuste, 2002), Un petit viol (Champ Vallon, 2009), Monologue (Champ Vallon, 2012), Zambèze (Unes, 2015), Si décousu (Unes, 2019).
Yves Charnet, né en 1962, enseigne les « humanités » à SupAéro. Il est l’auteur d’essais sur la poésie et sur des poètes dont il a aussi accompagné le travail (Deguy, Noël, Emaz…). C’est dans le domaine de « l’auto-fiction » (autofiction sans fin) qu’il a aussi acquis une forte réputation. Derniers titres parus : Chutes (2020) et Le Libraire de Gambetta (2023), tous deux chez Tarabuste. Les éditions Au diable Vauvert publient en mai une édition nouvelle et refondue de ses Lettres à Juan Bautista.
Djamel Meskache, écrivain, poète, artiste, enseignant, commissaire d’exposition, est pour une partie essentielle de sa vie éditeur. Claudine Martin et lui, en compagnie de Tatiana Levy, animent depuis 1987 les éditions Tarabuste, qui ont accueilli plusieurs dizaines de poètes et d’artistes, parmi lesquels Antoine Emaz Dajmel Mesakache est l’auteur des dessins qui accompagnent le dernier livre du poète, Erre (Tarabuste 2022)
Antoine Emaz. Mort le 3 mars 2019 à Angers, à l’âge de 64 ans, Antoine Emaz était un des poètes marquants de sa génération. Attentif à ses pairs, comme en témoignent d’innombrables notes de lecture données au site Poezibao, il a été, de 2009 à 2013, un président de la commission poésie du Centre national du livre (CNL) admiré et estimé. Mais il a longtemps choisi de s’effacer, donnant pour toute indication biographique : « Né en 1955, Antoine Emaz vit à Angers. Les poèmes disent le reste » – des poèmes d’où était absente la première personne du singulier. Cette discrétion le rapprochait de ses deux grands modèles, Pierre Reverdy (1889-1960) et André du Bouchet (1924-2001). (Monique Petillon in Le Monde)
Depuis les premiers jours d’écriture du poète, les éditions Tarabuste ont accompagné l’oeuvre poétique d’Antoine Emaz, à travers de nombreux livres, dont le dernier, posthume, Erre.

Je passe beaucoup de temps à regarder, à perdre mon temps, pourrait-on dire. Là, l’impact des lourdes gouttes sur les flaques déjà formées ; durant une fraction de seconde, voir le rebond de l’eau sur l’eau. Je n’attends rien, je regarde et je suis tout occupé par ce regard. Comme s’il me remplissait à mesure de je ne sais ce quoi… De réalité ? Peut-être cette impression récurrente de « faire partie des choses » naît-elle de là, simplement. Une sorte non pas de conscience, car ce n’est pas conscient, réfléchi, pensé avec recul, plutôt une expérience brute, quasi enfantine, d’exister au même titre qu’un arbre, de l’herbe, ou cette pluie.
Ce n’est même pas seulement le vivant : c’est être. Je suis autant que la table, le mur, le paquet de tabac… Ensuite seulement je vis/meurs comme les plantes, et au-delà, je ressens/pense/parle. Mais il y a ces brusques moments de retour à la base stricte « être-là-avec », sans mots. Je suis sûr que le poème s’enracine dans cette expérience du muet tout autant que dans celle du fouillis de paroles (les médias) ou dans celle du labyrinthe interne (passé troué…).
Reste commun un brusque défaut de langue. Le poème répond a cela ; sa charge est fondamentalement positive ; il est reconquête, non pas défaite de la langue.
Antoine Emaz
(Cambouis 69-70)