Suspense : du roman à l'écran

Pendant près de 40 ans, le duo d'écrivains formé par Pierre Boileau (1906-1989) et Thomas Narcejac (1908-1998) a composé une oeuvre féconde et protéiforme, forte d'une soixantaine de titres : romans, nouvelles, pastiches, essais, mais aussi chroniques et scénarios. Ils se sont accordés, dès leur rencontre en 1948, à vouloir renouveler le genre du roman policier, en y introduisant une tension psychologique, jusque-là inédite. Si Boileau, « grand horloger » du mystère, est l'architecte de l'imparable logique, Narcejac, poète de l'atmosphère, façonne émotions et personnages, avec une règle unique : susciter l'effroi, un frisson nouveau avec le suspense dont ils deviennent les maîtres. Dans un univers de clairs-obscurs, d'ombres, faisant du dérèglement du quotidien, cette inquiétante étrangeté, le point central de leurs histoires, ils élaborent une mécanique implacable qui ne sacrifie ni l'écriture ni la langue au profit de l'intrigue. À la tête de l'école fiévreuse que l'on nomme « roman à suspense », entre roman d'énigme et roman noir, ils ont tôt suscité l'intérêt des plus grands réalisateurs, parmi lesquels comptent Henri-Georges Clouzot (Les Diaboliques, 1955), Alfred Hitchcock (Vertigo, 1958), Georges Franju (Les Yeux sans visage, 1960). La puissance révélatrice du cinéma leur offrira une notoriété dont Boileau-Narcejac, auteurs, scénaristes-dialoguistes, élevés au rang de classiques du genre, ne se départiront plus. Autour de films qui articulent et mettent en images un univers de faux-semblants et de mystère, la présente édition vise à restituer ce double parcours singulier, où s'entremêlent intrinsèquement littérature et cinéma.