Café Psy

Rencontre avec Jacques Miedzyrzecki et Christine Saint-Paul Laffont. Coordination Lin Grimaud.
Il est habituel de dire que la douleur se refuse à toute définition et, bien qu’elle soit banale, connue de tous, elle reste énigmatique et ne cesse de questionner les relations corps/psyché ainsi que la question du partage avec l’autre. En effet comment exprimer la douleur, comment en rendre compte alors qu’elle se situe dans un au-delà du système représentatif ? Est-elle plus un cri qu’une parole, excepté sans doute pour les poètes ? Comment trouver réponse à cet appel lancé dans l’urgence ou interminablement, au point d’occuper la totalité de la psyché ? Pour les psychanalystes, à la suite de Freud, elle signe l’effraction du pare-excitation, l’irruption du traumatique, de l’excitation en excès, d’où le recours fréquent aux termes de blessure, d’hémorragie, pour tenter de figurer les expériences douloureuses physiques ou psychiques qu’ils considèrent comme identiques dans leur rapport avec la perte. La culture actuelle, singulièrement médicale, tend à aller dans le sens d’une objectivation, d’une quantification de la douleur, pour en cerner l’intensité faute d’une écoute plus subjective. […]
Se confronter à la douleur des autres fait résonner en nous des affects et des pensées intimes qu’il est nécessaire d’accepter si l’on veut promouvoir une écoute et un dialogue. Ce détour est indispensable pour passer d’une douleur indicible ne pouvant s’exprimer que par le corps, à une souffrance élaborable par le sujet […]. Cette diversité montre bien la nécessité d’un accueil large de toutes les modalités douloureuses qui s’impose aux acteurs de soin, sans limite ni jugement. Dans cette perspective d’unification de la douleur somatique et psychique, un dispositif de soin original associant médecins algologues, psychanalyste, psychologue, infirmière, ostéopathe a été mis en place au Centre de la Douleur Chronique de la clinique Pasteur à Toulouse. En ce sens il représente de manière éclairante ce que peut être l’hospitalité, un lieu de reconnaissance de la douleur.
Un numéro récent de la Revue Française de Psychosomatique (2023) a pour titre « Douleurs en quête de formes ». Il rend compte des différentes modalités d’expression que peut prendre la douleur. Jacques Miedzyrzecki, psychanalyste, membre de la SPP et du GTPSO, en est le Rédacteur en chef adjoint. Christine Saint-Paul Laffont, psychanalyste, membre de la SPP et du GTPSO, est consultante dans ce Centre de la Douleur Chronique à Toulouse, et membre du Comité de Rédaction de la RF de Psychosomatique (PUF). n