Blandine Ponet, Emmanuel Venet

« À propos d’Antonin Artaud et Gaston Ferdière : un dialogue entre Blandine Ponet et Emmanuel Venet ». Coordination : Blandine Ponet, invité : Emmanuel Venet.
Antonin Artaud, dans une des lettres à Jacques Rivière, écrit le 25 mai 1924 : « Cette inapplication à l’objet qui caractérise toute la littérature est chez moi une inapplication à la vie. Je puis dire, moi, vraiment que je ne suis pas au monde, et ce n’est pas une simple attitude de l’esprit. » On connaît la suite, Jacques Rivière ne cessant d’insister auprès d’Artaud sur sa valeur d’artiste alors que lui-même n’a de cesse que d’être reconnu dans sa réalité douloureuse.
Presque 20 ans plus tard, Antonin Artaud sera hospitalisé à Ville-Evrard (après être passé par Rouen et Sainte-Anne à Paris), puis grâce à l’aide de Robert Desnos, déplacé de l’autre côté de la ligne de démarcation à l’hôpital psychiatrique de Rodez où il arrivera en 1943 dans le service du docteur Ferdière, pour échapper à la malnutrition qui sévit alors dans la plupart des hôpitaux psychiatriques. pendant la deuxième guerre mondiale. (Rappelons ici qu’elle a provoqué plus de 40 000 morts par la faim).
Pourtant, si le lien entre folie et création est reconnu depuis l’Antiquité (Aristote L’homme de génie et la mélancolie), on a moins l’habitude de questionner le lien entre médecine et création. C’est ce que fait Emmanuel Venet dans son livre sur Gaston Ferdière. Gaston Ferdière, est psychiatre, mais il est aussi en lien avec les surréalistes, écrit de la poésie et s’intéresse à la peinture des fous.
Certes, la médecine jusque là, était encore considérée comme un art et ne reniait pas un certain lien avec la littérature. Par exemple, Jean Delay, médecin à Saint-Anne, écrivain, et comme en témoigne sa fille Florence, était fasciné par Gérard de Nerval.
Dans ce Café psy, nous interrogerons le lien entre création et folie, mais nous questionnerons aussi le fait que la folie pousse souvent les soignants à écrire. Ceci n’est pas sans rappeler la remarque de Lacan disant que le psychanalyste doit se faire le secrétaire du psychotique. Ou Joëlle, un jour disant : « Je cherche un scribe, j’ai besoin d’un scribe. Ça coûte cher, un scribe ? » Un scribe. « Pour écrire l’histoire de sa vie » disait-elle, « parce qu’elle ne sait pas écrire, même si elle le fait de temps en temps sur des cahiers et que ça l’aide ». Et dans sa question, il y a aussi qu’elle n’a pas les moyens de se payer un scribe.
Ainsi, nous envisagerons le lien entre création et folie par « ce qui pousse à écrire » dans la folie ou le contact avec les fous.
Emmanuel Venet est psychiatre à l’hôpital du Vinatier depuis 1989. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres aux éditions Verdier, parmi lesquels : Précis de médecine imaginaire (2005), Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud (2006), Rien (2013), Virgile s’en fout (2022), Contrefeu (2024).
Blandine Ponet a publié chez Erès : L’ordinaire de la folie, Les fracassés de vivre et à l’Atelier Contemporain : Guillaume Pujolle, la peinture, un lieu d’être.