Maurice Ravel : ni femme, ni dieu, ni maître

Maurice Ravel et Franz Schubert sont victimes de la même malédiction : leurs noms sont aujourd’hui obstinément accolés à une seule de leurs œuvres - « la Truite » pour le compositeur autrichien, le « Bolero » pour le Français. Et pour des raisons largement extra-musicales: une chanson des Frères Jacques pour le premier, un film de Claude Lelouch pour le second ! Or si Ravel fut loin d’être aussi prolifique que ses pairs, il nous a tout de même laissé bien des pages autres que son célèbre ballet écrit dans l’urgence en 1928, bien après ses tournées dans toute l’Europe, en Scandinavie, en Angleterre, aux quatre coins des États-Unis et même au Canada – où il fut fêté comme le plus grand compositeur vivant. L’homme Ravel, aussi aimé de son entourage que le furent Mozart ou Schubert, a été assez facile à cerner, y compris dans son quotidien. Car certains de ses amis, disciples et surtout interprètes ont abondamment et très bien parlé de ce « petit homme » d’une élégance raffinée, pudique, courtois, pince-sans-rire, attachant tout en étant passablement original. Né l’année de « Carmen » et mort à la veille du second conflit mondial, désormais considéré comme un « classique », Ravel fut également un homme de son temps – une époque exceptionnelle qui, de l’électricité aux congés payés en passant par les antibiotiques, a vu la naissance de tout ce qui fait la base de notre civilisation occidentale. Contrairement à ce qui se passe avec Bach, Beethoven, Haendel, Schubert ou Mozart, il est possible d’écouter « tout Ravel » en quelques semaines seulement. « De la plus extrême paresse », travaillant très lentement, insomniaque depuis la guerre, intoxiqué par le tabac, Maurice Ravel nous a laissé des œuvres généralement courtes et surtout peu nombreuses – certaines pourtant mûries pendant des années. Grâce à de nombreux QR Codes, c’est donc la quasi-totalité de sa production, si originale, si française, que ce livre s’est donné pour mission de faire entendre à ses lecteurs; une musique identifiable dès la première mesure, servie ici par ses plus grands interprètes - quand ce n’est pas par le compositeur lui-même.