Vers Compostelle : drôles de rencontres

Novice en matière de marche à pied comme d’écriture, Antoine Bertrandy s’est arraché au confort urbain et familial pour s’élancer, à 35 ans, dans le sillage des millions d’autres pèlerins aspirés comme lui vers le mystère de Saint-Jacques.

Courbé sous un sac à dos rempli d’idéalisme, d’aspiration au renouveau et de petits tourments, il a relié en quelques semaines Compostelle depuis Saint-Jean-Pied-de-Port en empruntant le Camino Real Francès. Là coule un fleuve immense et ancestral, creusé par le passage de milliers d’hommes plus ou moins dépouillés venus des quatre coins du monde. Si les uns marchent au-devant de la foi tandis que d’autres, par exemple, viennent accomplir une performance touristico-sportive, tous s’éprouvent dans la joie et la douleur sur ce sentier de poussière. Et, dans le décor de cette comédie humaine itinérante – où vibrent à chaque instant une puissante spiritualité mais aussi les téléphones –, chacun peut épuiser ses fantasmes et ses certitudes jusqu’à ressentir, au plus profond de lui-même, le rayonnement de la renaissance intérieure.

Antoine Bertrandy a rapporté de ce pèlerinage à nul autre pareil des réponses à la question de sa place dans ce grand théâtre, et un récit chaleureux, riche de rencontres truculentes, attachantes ou dérangeantes, de pénibles séparations et de moments absolument drolatiques. Lors de traversées dolentes dans la solitude de l’âme comme lors du franchissement libératoire de montagnes invisibles, surgissent des réflexions originales sur le sens de cette longue marche initiatique, sur les raisons de son exil sur un chemin inconnu mais rebattu, et sur son passage parmi les hommes ; en somme, sur la vie.